C’est une anecdote qui me fait toujours un peu sourire, quand j’y pense, même après tout ce temps. Lorsque je suis arrivé en Métropole avec ma famille, j’ai repris le lycée en cours d’année de première. Nos calendriers sont décalés à cause des saisons. Je suis donc arrivé après les vacances de Noël. On m’avait présenté comme étant le nouvel étudiant de Tahiti. Je ne comprenais pas trop comment on pouvait regrouper et mélanger les deux origines, mais maintenant, je sais. On a tous très vite essayé de se trouver des points communs de discussion. Bien souvent les adolescents, entre eux, parlent de séries. Or en Nouvelle-Calédonie, nous regardions tous en rentrant de l’école, je n’allais le découvrir que plus tard, des télénovelas mexicaines qui n’étaient pas diffusées en France. Et c’est dommage, moi, j’adorais regarder « Marimar », « Rosalinda » et « Muñeca brava ». Ces séries, je les regardais, car elles étaient les HIT du moment. Tout le monde, au collège, en parlait comme de « Game of Thrones ».
« Muñeca Brava », image promotionnelle, 1998-1999
La distance, me fait le fait considérer bizarrement. En effet, je me demande si les collégiens, ici, s’enthousiasment autant pour une série telle que « Plus belle la vie ». Ce serait un peu comme si on devenait fan de « Amour, Gloire et Beauté » en somme. Cependant, je regardais ces soaps parce qu’elles étaient, malgré tout, très prenantes et tellement rocambolesques. On se faisait, en définitive, toujours prendre au jeu ! Et puis surtout, il existait une forme de filiation et de parenté, entre ces séries mexicaines, leurs acteurs, leurs décors, le climat, et enfin notre quotidien à nous. Quelque chose de moins feutré s’exprimait, par rapport aux feuilletons américains, dans lesquels les gens sont pimpants.
Mais surtout, les séries françaises n’avaient simplement aucun écho sur notre territoire. Aujourd’hui, sur les réseaux sociaux, les gens utilisent beaucoup de gifs et de courts extraits de ces séries. Elles sont en effet interprétées bien souvent dans un registre hyper dramatique et surjoué, à l’instar de tous les soaps dans le monde. C’est là que je me suis rendu compte, qu’au-delà des kilomètres, de la monnaie en cours ou de la culture, même les séries télévisées que l’on regardait n’étaient pas partagées. « Marimar » et « Rosalinda » constituaient nos exclusivités.
« Mari Mar », image promotionnelle, 1994
C’est amusant comme ces séries, avec des femmes pour personnages principaux, étaient importantes pour moi, utilisant mon imaginaire comme outil de lien social. Mon imagination légèrement « over the top » et toujours en activité en a été très stimulée. De plus, le jeune gay mal dans ma peau que j’étais, avait un super sujet de conversation, avec les filles avec lesquelles je traînais ! J’adore lire sur Wikipédia : « cette série est inédite dans tous les pays francophones. Toutefois, elle sera diffusée dans les DOM-TOM, en France, sur les chaînes de RFO. Je me dis Waouh, « dans TOUS les pays francophones » ! Il n’y avait cependant que nous qui l’avions ! Et je trouvais cela d’autant plus génial. C’est comme quelque chose d’un peu intangible, qui nous lie entre ultramarins, en plus du reste. Ce sont les seules séries de ce genre que j’ai regardées. Donc, je ne sais pas vraiment si leur thème est récurrent. Mais les histoires de statut social, de situation économique et d’amnésie étaient très prégnantes dans la narration. Rien que les synopsis des séries constituent un roman et un imbroglio très difficile à démêler.
Je regarde très compulsivement des séries donc. J’en ai énormément en tête et tout autant de favorites. J’ai personnellement adoré 3 séries policières (dont 2 anglaises et 1 américaine) : « River », « Broadchurch » ou encore « The Killing ». J’ai commencé très tôt, comme mes parents, à lire des romans policiers, de profilers et de suspenses. Je pense que c’est la raison pour laquelle, j’aime autant les séries policières. Ma prochaine sera « Mindhunters » qui vient d’ailleurs, de sortir sur Netflix ! « The Killing » et « Broadchurch » ont en commun une qualité que j’apprécie. Ces deux séries sont des “slow-burners”. En somme, il n’y a pas une intrigue par épisode. Mais bien une seule enquête dont le rythme, la narration et les rebondissements parviennent à faire durer l’enquête tout au long d’une ou de deux saisons. « River », de l’incroyable réalisatrice Abi Morgan, est magnifiquement interprétée par Stellan Skarsgård. La série est si aboutie que dès la première saison, je n’en voulais pas plus, tant elle était parfaitement réussie. L’histoire est celle d’un flic londonien qui cherche à résoudre le meurtre de sa coéquipière à en perdre lentement le sens des réalités. J’ai également adoré, comme tellement de gens et à juste titre, « Westworld », que j’avais repéré bien avant sa sortie. En effet, déjà les trailers dispensaient une esthétique merveilleuse, une histoire séduisante et un casting très ambitieux. La série eut effectivement un succès retentissant. Elle fait d’ailleurs l’objet de conférences dans certaines universités. Cependant mon « guilty pleasure » consiste à regarder, bien installé dans mon lit et seul, « New York : Unité spéciale pour les victimes ».
Alexandre Erre, « Asobimashou (Let’s play)», 2017, 7 mn
J’ai commencé à la regarder, enfant avec ma mère, et c’était « notre » série à nous deux. On la regardait en se demandant quelle allait être l’intrigue de l’épisode et qui serait la guest star ? ! Je pense que si j’aime toujours cette série c’est que, contrairement à ce que l’on espère toujours à la fin d’un épisode, il ne se finit pas toujours bien. Je ne sais pas si elle est parfaite. Mais la série pose toujours des questions et des réflexions sur la politique américaine, le suivi des victimes et la diffusion des armes. Récemment, nous avons commencé avec ma mère à regarder « This is Us ». Mais elle a continué sans moi, quand je suis reparti à Paris. Aujourd’hui je continue cette tradition, qui me sert le temps d’un épisode, à me sentir à nouveau au pays. Mes séries, je les regardais, comme beaucoup, à droite à gauche, en streaming sur Internet, puis sur Netflix. Dès lors que Netflix a bloqué l’usage de VPN (Virtuel Private Network – réseau privé virtuel), pour accéder aux autres catalogues de pays étrangers, je me suis désinscrit. Je suis passé à Popcorn Time.
Alexandre Erre, « La découverte de l’inconnu », 2017, 9 mn 31
L’abonnement à Netflix est au même tarif à travers le monde. Cependant, pour des questions de droits, de propriétés, etc., le catalogue n’est pas le même. Les VPN peuvent être des programmes ou simplement des modules à ajouter sur son navigateur Internet qui permettent de changer son emplacement dans le monde de façon virtuelle. De ce fait, on avait au début de Netflix, la possibilité d’accéder au catalogue américain (et des autres pays), bien plus dense donc que le français, en payant la même somme. Maintenant on paye pour Netflix autant qu’aux Etats-Unis et pour une offre moindre.
J’intègre deux images de mon travail dans les visuels. La vidéo « Asobimashou (Let’s play)» est inspirée par l’esthétique des karaokés et des génériques d’introduction des dessins animés japonais et qui me semble rester dans la dynamique de ce texte. La seconde vidéo « La découverte de l’inconnu », reprend aussi les codes d’un court épisode de série et qui emprunte beaucoup (musicalement et notamment par la voix du narrateur) à la série « L’île Fantastique ».
Alexandre Erre
sélection Saison Video 2018