En découvrant le projet Monomotapa, j’ai tout de suite pensé aux films de Gregg Araki sans savoir pourquoi. Alors lorsque Mo m’a demandé de développer cette première impression, je me suis senti piégé par ma propre intuition. Pourquoi Gregg Araki ? Je vais devoir creuser au fond de moi-même. Cela ne m’est pas venu par hasard, il doit bien y avoir une raison.
« Friends »
Je n’ai jamais été un consommateur de séries très assidu. Enfant, je me souviens vaguement avoir entendu parler de « Friends » et de « Sex and the city ». Aujourd’hui, j’en regarde mais je suis rarement en mesure d’en parler ou de retracer les nœuds dramaturgiques. J’en regarde comme je peux écouter de la musique : je me laisse porter par le rythme sans m’attarder sur le sens. Lorsque je repense à une série, je revois l’état dans lequel j’étais pendant la période de visionnage. Pour moi, une série est avant tout un fragment de vie. Je crois même que les séries qui me marquent, sont celles vues lors d’une période de transition personnelle. Elles sont un peu les résidus d’un état.
« Friends », 1994-2014, série, image promotionnelle
« Doom génération »
Par ailleurs, en lisant les posts et en discutant avec des amis, j’ai l’impression que cela ne m’est pas complètement spécifique. Il me semble qu’il y a souvent un rattachement à l’enfance et à l’adolescence… Peut-être est-ce un premier lien avec le cinéaste américain ? Une série est comme le fossile de la période durant laquelle le spectateur la découvre. De la même manière, des films comme « Doom generation », « Nowhere » ou « Kaboom » de Gregg Araki, me paraissent comme des prélèvements pop d’un état de la société. En effet, pour moi, ces films mêlent un ensemble d’émotions complexes édulcorées par un esthétisme de clip. J’y retrouve un peu de cela dans le monde des séries. Elles jouent des codes pop en traitant de l’évolution des mœurs. Parfois c’est fait de manière grossière et parfois, c’est d’un fitness incroyable.
Gregg Araki, « Nowhere », 1997, image promotionnelle
« Mysterious skin »
Alors pourquoi ai-je pensé à Gregg Araki en lisant le projet de Mo ? Parce que j’y vois des portraits et des témoignages sondés via la consommation de séries faites pour satisfaire le plus grand nombre. J’y vois l’expression d’une authenticité.
Peut-être suis-je à côté de la plaque ? Cela est probable, mais il s’agit d’une impression inconsciente qui m’est venue. Et puis après tout, Gregg Araki, n’a-t-il pas qualifié lui-même son film « Nowhere » d’épisode de « Beverly Hills sous acid » ?
Gregg Araki , « Mysterious skin », 2004, image promotionnelle
Yoann Lelong
Yoann Lelong est sélectionné pour la Saison Video 2018